Petit vent de panique à Bercy… En 2025, le chômage repart à la hausse. L’INSEE prévoit un taux de 7,6 % à la mi-année, contre 7,4 % en 2024. L’OFCE l’annonce même à 8 % d’ici décembre, et la Banque de France table sur 143 000 destructions nettes d’emplois, notamment dans l’industrie et les services à faible valeur ajoutée. Si quelques créations d’emplois sont attendues — principalement du côté des micro-entrepreneurs —, elles seront largement insuffisantes pour compenser la progression de la population active.
Au même moment, le gouvernement s’apprête à engager une cure d’austérité inédite de 40 milliards d’euros, pour contenir le déficit. Aucun détail n’a encore filtré, mais les dépenses sociales — assurance chômage incluse — sont dans la ligne de mire. L’Unédic, déjà en déficit de 200 millions d’euros, prévoit encore 49 000 suppressions d’emplois. La reprise est repoussée, la précarité s’étend, et l’angoisse sociale s’installe.
Mais les chiffres ne disent pas tout. Derrière eux, des milliers de trajectoires vacillent. Jordan, ingénieur, se heurte à un mur depuis sa démission. Elisa, ancienne cadre du luxe, aligne les entretiens sans issue. Chris, 22 ans, cumule plus de 1 000 candidatures non retenues. Laurent, 56 ans, commercial, se voit systématiquement écarté. Le marché du travail ne les regarde plus.
Une mécanique est enclenchée. Elle menace d’éroder le tissu économique, d’exclure durablement une partie des actifs, et de fragiliser encore davantage le lien entre l’État, l’entreprise et le citoyen. Voici ce qu’il faut comprendre derrière les chiffres du chômage 2025.
Indicateur | Chiffre | Source |
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Taux de chômage prévu mi-2025 | 7,6 % | INSEE |
Taux de chômage fin 2025 | 8 % | OFCE |
Destructions nettes d’emplois | 143 000 | Banque de France |
Créations nettes d’emplois (T1) | 40 000 | INSEE |
Déficit de l’Unédic en 2025 | 200 millions € | Unédic |
Suppressions d’emplois anticipées | 49 000 | Unédic |
Objectif d’économies budgétaires | 40 milliards € | Gouvernement |
Recul des offres d’emploi (T1) | -4,7 % | Hellowork |
Une dégradation nette et multiforme du marché du travail
Le coup de frein est net. En 2025, la Banque de France anticipe une perte nette de 143 000 emplois sur l’ensemble de l’année, soit l’une des pires performances enregistrées depuis la crise sanitaire. Et contrairement à 2020, aucun plan massif de soutien à l’emploi ne viendra amortir le choc. L’essentiel des pertes se concentre dans deux segments : l’industrie, où la demande s’érode et les investissements se figent, et les services à faible valeur ajoutée, comme l’aide à domicile, la logistique sous-traitée ou la distribution.
Si l’INSEE table bien sur la création de 40 000 emplois au premier semestre, ceux-ci concernent essentiellement des micro-entrepreneurs ou des emplois non-salariés, très exposés et peu pérennes. Le solde reste donc massivement négatif, dans un contexte où la croissance est revue à la baisse (0,7 %) et où les aides aux entreprises ont été largement rabotées.
Pour les recruteurs comme pour les demandeurs d’emploi, le rapport de force s’est brutalement inversé. Les offres se raréfient, surtout dans les régions déjà fragiles. Le site Hellowork note une baisse de 4,7 % des annonces diffusées au premier trimestre, une tendance confirmée par Pôle emploi. Le reflux concerne notamment les fonctions commerciales, la communication, et les services administratifs.
La conséquence est une tension inédite sur le marché de l’emploi. Pour les actifs les plus qualifiés, la situation reste tendue mais supportable. Pour les autres, c’est un retour brutal à la réalité : les contrats courts, l’intérim, les petits boulots. Le recul du marché du travail touche avant tout les plus précaires.
Et derrière les chiffres, il y a des visages. Jordan, ingénieur en automatisme, a quitté son entreprise l’an dernier avec l’espoir de rebondir rapidement. “Je pensais que mon profil allait intéresser, mais j’ai fait vingt candidatures ciblées, sans réponse. On me dit que je suis ‘trop cher’ ou ‘trop spécialisé’.”
Elisa, 38 ans, ex-chargée de production dans le luxe, s’est inscrite à France Travail à l’été 2023. Depuis, elle n’a reçu que des propositions sans rapport avec ses compétences. “On me propose des postes à l’accueil dans des cliniques, ou des missions de télévente. On dirait que mon CV ne vaut plus rien.”
Le cas de Laurent, commercial de 56 ans, est encore plus brutal : “Je suis resté vingt ans dans la même boîte. Je pensais que l’expérience comptait. En fait, je suis devenu invisible. Personne ne me rappelle. Les entretiens s’arrêtent après la première minute.”
Pour ces profils, l’offre d’emploi n’est plus qu’une façade : le marché ne veut plus d’eux. La crise de l’emploi ne se mesure pas seulement à la baisse des chiffres. Elle se lit aussi dans l’épuisement psychologique, le sentiment de déclassement, et la montée silencieuse de la résignation.
Qui sont les plus touchés par le chômage en 2025 ?
Le chômage ne frappe pas au hasard, et l’année 2025 en est une nouvelle démonstration brutale. Derrière le taux global en hausse, on observe une fracture sociale et générationnelle qui s’approfondit. Certains profils sont systématiquement exclus du marché du travail, parfois avant même d’y avoir véritablement mis un pied.
Les jeunes actifs, d’abord, payent le prix fort de l’instabilité structurelle du marché. Le taux de chômage des moins de 25 ans s’établit à 18,4 % selon l’INSEE, en hausse de près de deux points sur un an. L’entrée dans la vie professionnelle se fait par des contrats courts, des stages peu qualifiants ou des formes de sous-emploi. Et souvent, par une frustration immédiate.
C’est le cas de Chris, 22 ans, diplômé d’un BTS, qui raconte avoir “envoyé plus de 1 000 candidatures depuis un an” sans décrocher autre chose que des refus automatiques. “Quand je décroche un entretien, on me reproche de ne pas avoir assez d’expérience. Mais comment on en gagne si personne ne nous embauche ?”, soupire-t-il.
Les seniors sont les autres grands perdants de cette conjoncture défavorable. En apparence, leur taux de chômage est plus bas que celui des jeunes, mais cela masque un phénomène plus insidieux : la sortie durable du marché du travail, souvent sous forme de radiation, découragement ou basculement dans l’inactivité. À 55 ou 60 ans, une rupture de contrat devient souvent un point final de carrière.
Laurent, 56 ans, le dit sans détour : “Mon CV est bon, j’ai de l’expérience, mais on me le dit clairement : je suis trop vieux pour le poste. Ou trop cher. Ou les deux.” Il a fini par renoncer à postuler, faute de réponses.
Les femmes sont aussi touchées de façon différenciée, surtout celles qui cumulent d’autres facteurs de vulnérabilité : monoparentalité, temps partiel subi, bas niveaux de qualification. La précarité féminine augmente sensiblement, notamment dans les métiers du care, de la vente ou de la petite enfance.
En face, France Travail peine à répondre, faute de moyens, de personnel et de formations adaptées. Les dispositifs d’accompagnement souffrent de l’essoufflement budgétaire et du nombre croissant de demandeurs d’emploi.
En 2025, le chômage ne se contente pas de monter. Il sélectionne, trie, exclut. Il frappe ceux que l’économie juge « inutiles » — trop jeunes, trop vieux, trop fragiles. Et il les pousse, lentement mais sûrement, hors du jeu.
Le désengagement de l’État et ses conséquences
Si le chômage monte, c’est aussi parce que l’État recule. En 2025, les effets de la crise post-Covid se font encore sentir, mais les mécanismes de soutien public, eux, ont progressivement été démantelés. Exonérations de charges, aides ciblées, primes à l’embauche : la majorité des dispositifs exceptionnels ont pris fin entre 2023 et 2024. Et aucun filet de remplacement solide n’a été déployé.
Le résultat ? France Travail est débordée, les formations peinent à répondre aux besoins réels du marché, et les personnes les plus éloignées de l’emploi voient leur accompagnement se réduire à peau de chagrin. L’impression, partagée par les demandeurs d’emploi comme les agents, est celle d’un désengagement organisé.
La situation de l’assurance chômage illustre ce retrait progressif. Selon les prévisions de l’Unédic, le régime connaîtra un déficit de 200 millions d’euros en 2025, alors que le nombre d’allocataires est en hausse. En parallèle, une réforme structurelle est à l’étude, visant à réduire la durée d’indemnisation pour certains profils, notamment les jeunes ou les seniors proches de la retraite.
Mais l’alerte principale est venue d’en haut. Le 14 avril 2025, le gouvernement a annoncé vouloir réaliser 40 milliards d’euros d’économies dans le prochain budget. Officiellement, rien n’est encore acté. Officieusement, tout est sur la table, y compris des réductions dans les budgets sociaux. La ministre des Comptes publics a d’ores et déjà évoqué 5 milliards de coupes immédiates pour tenir l’objectif de déficit à 5,4 % du PIB cette année.
Cette logique de serrage budgétaire, assumée par François Bayrou comme un « exercice de pédagogie », pourrait pourtant aggraver le mal qu’elle prétend contenir. Moins de dépenses publiques, ce sont aussi moins d’investissements dans l’emploi, la formation, et l’insertion professionnelle. En d’autres termes : moins de chances pour les demandeurs d’emploi de retrouver un travail durable.
Dans ce contexte, les réformes de l’assurance chômage à venir sont scrutées avec anxiété. Toute nouvelle restriction des droits pourrait transformer une hausse conjoncturelle du chômage en une fracture sociale durable, difficilement réversible.
Les entreprises face à un marché de l’emploi sous tension
Si le marché du travail se contracte, c’est aussi parce que les entreprises ont ralenti leurs recrutements, parfois drastiquement. En 2025, la tendance est claire : le pouvoir est repassé du côté des employeurs, qui se montrent plus sélectifs, plus exigeants, parfois même attentistes. L’euphorie post-Covid, marquée par des pénuries de profils et une guerre des talents, semble loin derrière.
Selon l’enquête menée par Hellowork, les offres d’emploi publiées ont chuté de 4,7 % au premier trimestre. Ce repli concerne aussi bien les grands groupes que les PME, dans des secteurs aussi variés que l’industrie, le BTP ou les services. Les métiers de support (RH, communication, administratif) sont particulièrement affectés. Seuls les métiers pénuriques — logistique, aide à domicile, numérique — continuent de recruter à un rythme soutenu, mais dans des volumes insuffisants.
Dans l’industrie, le phénomène est aggravé par l’incertitude sur les carnets de commandes et la fin de certaines subventions. Les services à faible valeur ajoutée, quant à eux, réduisent leurs effectifs pour préserver leurs marges dans un contexte inflationniste.
Pour les candidats, le contraste est frappant. Alexandre Tamagnaud, directeur associé du Groupe Fed, le résume ainsi : “Avant, deux entretiens suffisaient. Aujourd’hui, il faut passer par cinq ou six étapes. Les employeurs prennent leur temps, et testent la motivation jusqu’à l’épuisement.”
Même constat chez Michael Page : le “marché des candidats” est redevenu un “marché des recruteurs”. Traduction : les entreprises ne cherchent plus à séduire, elles sélectionnent.
Cette inflexion se traduit aussi dans le type de contrats proposés : la part des CDI baisse, tandis que l’intérim et les CDD regagnent du terrain. Beaucoup de candidats doivent accepter des missions précaires, parfois sans perspective de consolidation.
Les micro-entreprises restent un vivier d’opportunités, mais à quel prix ? Moins protégés, moins stables, ces emplois relèvent souvent du bricolage économique. Ils participent à l’illusion d’un marché de l’emploi dynamique, alors qu’en réalité, une partie croissante de la population active tourne en rond entre missions courtes, ruptures de droits et périodes de creux.
En 2025, le marché du travail n’est pas en panne. Il est sous tension. Et ce sont les entreprises qui tiennent la bride.
Et maintenant ? Les lignes de fracture à surveiller d’ici fin 2025
L’année 2025 est à peine entamée que les signaux d’alerte se multiplient. Hausse du chômage, ralentissement des recrutements, précarisation des parcours… Mais il serait prématuré d’en tirer des conclusions définitives. Tout reste à jouer, ou presque.
Du côté économique, les prévisions de croissance ont déjà été revues à la baisse, de 0,9 % à 0,7 %, et rien ne garantit qu’elles ne seront pas réajustées de nouveau à l’automne. Dans ce contexte, l’emploi reste extrêmement sensible aux chocs externes (géopolitiques, financiers) comme aux ajustements politiques.
C’est précisément sur ce dernier point que la situation devient cruciale. Le gouvernement a annoncé 40 milliards d’euros d’économies budgétaires pour 2026, mais les décisions concrètes — les “où” et les “comment” — n’ont pas encore été prises. Or, le simple effet d’annonce, en avril, crée déjà un climat de crispation chez les acteurs économiques et sociaux.
Si ces économies devaient affecter les dispositifs liés à l’emploi — France Travail, formations, aides à l’embauche, accompagnement des jeunes ou des seniors —, les conséquences pourraient être visibles dès la fin 2025, bien avant que le budget 2026 ne soit voté.
Dans ce flou, quelques leviers d’action restent activables.
Le premier, c’est l’ajustement des politiques de l’emploi : mieux cibler les publics les plus vulnérables (jeunes, seniors, femmes précaires), réallouer les crédits vers des filières réellement porteuses (santé, transition écologique, numérique), et éviter le saupoudrage. Cela suppose une vision claire et opérationnelle — qui manque encore aujourd’hui.
Le deuxième levier, c’est celui de l’investissement dans les compétences. Trop de reconversions échouent faute d’accompagnement ou de lisibilité. La formation reste une clé, mais elle demande du temps, des moyens, et une vraie stratégie. Des ajustements peuvent encore être faits en cours d’année, notamment à travers les budgets régionaux et les opérateurs de compétences.
Enfin, l’État pourrait choisir de rééquilibrer ses priorités budgétaires, en sanctuarisant certains programmes liés à l’insertion ou à la reconversion. Une telle décision serait à contre-courant des injonctions à la rigueur, mais cruciale pour éviter un décrochage massif du marché du travail.
Ce qui est certain, c’est que le chômage ne sera pas une variable d’ajustement indolore. Il touche des millions de personnes, fragilise les entreprises, et mine la cohésion sociale. Ce que 2025 nous montre déjà, c’est que l’emploi n’est jamais un simple indicateur : c’est un révélateur politique, économique et humain.
Et c’est dans les prochains mois que se jouera l’essentiel !
Sources
- INSEE – Chiffres du chômage (données officielles, mises à jour trimestrielles)
https://www.insee.fr/fr/statistiques/4644186 - Banque de France – Projections macroéconomiques pour la France (mars 2025)
https://www.banque-france.fr/fr/publications-et-statistiques/publications/projections-macroeconomiques-intermediaires-mars-2025 - Unédic – Prévisions financières du régime d’assurance chômage 2025-2027
https://www.unedic.org/publications/les-previsions-financieres-du-regime-dassurance-chomage