Le géant informatique HP vient de frapper un grand coup. Mardi 26 novembre, l’entreprise a annoncé la suppression de 4 000 à 6 000 postes d’ici 2028, soit près de 10 % de ses effectifs mondiaux. La particularité de ce plan social ? HP assume publiquement que l’intelligence artificielle générative est au cœur de sa stratégie de productivité. Un aveu rare dans le monde feutré des restructurations corporate, qui pourrait bien marquer un tournant dans la manière dont les entreprises justifient leurs coupes d’effectifs.
Un milliard de dollars d’économies grâce à l’IA : le pari d’HP
Le chiffre fait froid dans le dos : entre 4 000 et 6 000 postes supprimés d’ici 2028. Soit environ 10 % des 58 000 salariés que comptait HP fin 2024. Dans son communiqué publié mardi 26 novembre, le groupe informatique californien ne s’embarrasse pas de périphrases. L’objectif affiché est limpide : « faire progresser la satisfaction des clients, l’innovation produits et la productivité par le biais de l’adoption et l’activation de l’intelligence artificielle ».
Derrière cette formule corporate se cache une ambition chiffrée : générer environ un milliard de dollars d’économies annuelles d’ici trois ans. Le PDG Enrique Lores a détaillé les domaines où l’IA viendra remplacer ou transformer le travail humain : développement de produits, support client, ventes, fabrication et opérations internes. Autant de fonctions où chatbots, agents conversationnels et algorithmes d’automatisation prendront progressivement le relais.
« C’est quelque chose que nous devons faire pour nous assurer que l’entreprise reste compétitive », a confié le dirigeant à Bloomberg. Une déclaration qui sonne comme un aveu : dans la course à la productivité, l’humain devient une variable d’ajustement.
Ce plan de restructuration engendrera environ 650 millions de dollars de frais, dont 250 millions dès l’exercice fiscal 2026. Une facture salée, mais que HP considère comme un investissement rentable à moyen terme. D’autant que le groupe n’en est pas à son coup d’essai : en 2022, un plan social d’ampleur similaire avait déjà été annoncé, officiellement pour s’adapter à la chute des ventes de PC post-Covid. Ce précédent plan aurait généré 2,2 milliards de dollars d’économies brutes selon l’entreprise.
Un contexte financier sous tension malgré la croissance
L’annonce d’HP intervient dans un contexte paradoxal. Le groupe ne traverse pas une crise majeure : son chiffre d’affaires annuel atteint 55,3 milliards de dollars, en hausse de 3,2 % sur un an. Au quatrième trimestre fiscal (clos le 31 octobre), les ventes ont même progressé de 4,2 % pour atteindre 14,6 milliards de dollars. L’activité PC, portée par l’engouement pour les ordinateurs équipés d’IA, affiche une croissance de 8 %. Ces machines « AI-ready » représentent désormais environ 30 % des livraisons du groupe.
Alors pourquoi tailler dans les effectifs ? La pression vient des marchés financiers. Les prévisions de bénéfice par action pour l’exercice 2026 — entre 2,90 et 3,20 dollars — sont inférieures aux 3,32 dollars attendus par les analystes. HP a également évoqué l’impact des droits de douane instaurés par l’administration Trump sur les produits importés aux États-Unis. Résultat : le titre a chuté de près de 6 % dans les échanges électroniques après l’annonce, portant son recul à 25,6 % depuis le début de l’année.
L’IA apparaît donc moins comme la cause unique de ces suppressions de postes que comme un levier commode pour restaurer les marges et rassurer les investisseurs.
Les chiffres clés du plan HP
- 4 000 à 6 000 postes supprimés d’ici 2028 (soit ~10 % des effectifs)
- 1 milliard de dollars d’économies annuelles visées
- 650 millions de dollars de coûts de restructuration
- 58 000 salariés fin 2024
L’IA, nouveau motif officiel de licenciement dans la tech
HP n’est pas un cas isolé. Le groupe californien se distingue simplement par sa transparence : rares sont les entreprises à assumer aussi ouvertement le lien entre intelligence artificielle et suppressions de postes. Mais la tendance de fond est bien là, et les chiffres du cabinet américain Challenger, Gray & Christmas donnent le vertige.
En octobre 2025, les employeurs américains ont annoncé 153 074 suppressions de postes, soit une hausse de 175 % sur un an. Un record pour un mois d’octobre depuis 2003. Parmi les motifs invoqués, l’intelligence artificielle occupe une place croissante : 31 039 licenciements lui sont directement attribués en octobre, portant le total depuis le début de l’année à 48 414 postes supprimés au nom de l’IA.
Les géants de la tech multiplient les annonces de coupes massives, même si tous ne pointent pas explicitement l’IA comme responsable. Intel a annoncé 21 000 suppressions de postes, Microsoft 15 000, Amazon 14 000. Des restructurations souvent présentées comme des « réallocations de ressources vers l’IA » plutôt que comme de simples mesures d’austérité.
Cette situation pose une question légitime : l’IA est-elle vraiment la cause de ces licenciements, ou sert-elle d’alibi commode pour justifier des coupes que les entreprises auraient de toute façon engagées ? Le ralentissement de la demande post-Covid, les surcapacités accumulées pendant la pandémie et la pression constante des marchés financiers jouent un rôle au moins aussi déterminant. L’intelligence artificielle offre simplement un récit plus acceptable — presque inéluctable — pour accompagner ces décisions impopulaires.
Quels métiers dans le viseur des plans dopés à l’IA ?
Au-delà du cas HP, certaines fonctions apparaissent particulièrement exposées aux restructurations justifiées par l’IA. Le support client et les centres d’appels figurent en première ligne : chatbots et agents conversationnels prennent en charge une part croissante des interactions avec les consommateurs, réduisant le besoin en téléconseillers humains.
Les fonctions administratives et le back-office sont également dans le viseur. Saisie de données, traitement de dossiers, préparation de documents standardisés : autant de tâches répétitives que les algorithmes peuvent désormais exécuter plus rapidement et à moindre coût.
Dans le secteur tech lui-même, les profils de développeurs juniors ou les postes dédiés aux tâches de codage peu complexes — tests, documentation, maintenance de code — subissent la concurrence des outils d’IA générative. GitHub Copilot, ChatGPT et leurs équivalents permettent aux développeurs expérimentés d’accomplir seuls ce qui nécessitait auparavant une équipe.
Enfin, les métiers du contenu, de la modération et du marketing opérationnel voient également leurs effectifs se réduire. Génération automatique de textes, d’e-mails promotionnels, de visuels simples : l’IA générative bouleverse ces fonctions historiquement gourmandes en main-d’œuvre.
| Fonction exposée | Type d’automatisation IA |
|---|---|
| Support client / centres d’appels | Chatbots, agents conversationnels, FAQ dynamiques |
| Back-office / administration | Traitement automatisé de dossiers, saisie de données |
| Développement logiciel (junior) | Assistants de code, génération de tests, documentation |
| Contenu / marketing opérationnel | Génération de textes, e-mails, visuels simples |
En bref
- HP annonce la suppression de 4 000 à 6 000 postes d’ici 2028, assumant publiquement que l’IA générative est au cœur de sa stratégie de productivité.
- Le groupe vise un milliard de dollars d’économies annuelles grâce à l’automatisation du support client, du développement produit et des opérations internes.
- HP n’est pas un cas isolé : selon le cabinet Challenger, 48 414 postes ont été supprimés aux États-Unis depuis début 2025 avec l’IA comme motif officiel.
- Les fonctions les plus exposées : support client, back-office, développement junior, contenu et marketing opérationnel.
- L’IA, cause réelle ou alibi ? La pression des marchés et les surcapacités post-Covid jouent un rôle au moins aussi déterminant dans ces restructurations.


