Le dernier Black Friday américain n’a pas seulement confirmé l’appétit des ménages pour les promotions.
Il a surtout révélé l’arrivée d’un nouvel acteur dans la bataille du commerce en ligne :
l’intelligence artificielle. Des millions de consommateurs ont confié à des agents d’IA la mission
de dénicher les meilleures offres, faisant basculer une partie du chiffre d’affaires vers des usages encore
quasi inexistants il y a un an.
Pour les entreprises, ce basculement ne relève plus de la prospective. Il redessine déjà la façon dont les clients
recherchent, comparent et achètent sur Internet. Comprendre ce mouvement devient stratégique pour tout acteur du
e-commerce, du paiement ou de la distribution.
Un Black Friday plus solide que prévu, tiré par le commerce en ligne
Aux États-Unis, l’inflation et la baisse de moral des ménages laissaient présager un Black Friday en demi-teinte.
Il n’en a rien été. Selon les données issues des paiements analysés par l’Institut économique de MasterCard,
les dépenses, hors automobile, ont progressé d’environ 4,1 % par rapport à 2024.
Cette progression ne vient pas des centres commerciaux. Les ventes en magasin sont restées globalement stables,
tandis que les achats en ligne ont bondi d’environ 10 %. C’est là que l’IA a joué un rôle
déterminant, en devenant un intermédiaire entre les consommateurs et les sites marchands.
L’IA, nouveau réflexe pour chercher les meilleures promotions
De plus en plus d’internautes ne passent plus directement par les moteurs de recherche classiques ou par les sites
d’e-commerce. Ils interrogent d’abord des agents conversationnels comme ChatGPT, Gemini ou Perplexity pour savoir
où trouver le meilleur prix, quelles offres sont réellement intéressantes ou quels produits correspondent le mieux
à leurs critères.
D’après les données compilées par Adobe Analytics, le trafic vers les sites de vente au détail en provenance de ces
services d’IA aurait ainsi été multiplié par plus de huit en un an. Autrement dit, l’IA commence à s’installer
comme une couche supplémentaire entre le client et le commerçant, capable d’orienter la décision d’achat.
l’analyse des promotions et le tri des fausses bonnes affaires. Pour les marques, en revanche,
cela signifie qu’une partie de la relation client est désormais filtrée par un tiers algorithmique.
Demain, des agents autonomes capables d’acheter à la place du client
Un rapport récent du cabinet McKinsey va plus loin : selon ses auteurs, les agents d’IA devraient rapidement
dépasser le simple rôle de conseiller pour devenir de véritables acheteurs autonomes.
L’utilisateur leur confierait une instruction simple – par exemple trouver un smartphone ou une paire de chaussures
au meilleur rapport qualité-prix – et l’agent effectuerait lui-même l’achat sur la plateforme la plus pertinente.
Dans ce scénario, l’IA gère l’ensemble du parcours : création de compte si nécessaire,
choix de l’adresse de livraison, sélection du moyen de paiement, validation de la commande.
Elle pourrait même négocier automatiquement avec les systèmes des sites marchands pour améliorer l’offre,
en combinant par exemple plusieurs produits ou services en fonction de l’historique d’achat de l’utilisateur.
Ce basculement poserait une question majeure : si l’IA devient le point d’entrée principal,
la visibilité d’un site ne dépendra plus seulement de son référencement ou de ses campagnes publicitaires,
mais aussi de la façon dont ses offres sont évaluées par ces agents intelligents.
Les acteurs du paiement et du e-commerce se repositionnent
Cette perspective n’en est plus au stade théorique. Des acteurs de l’IA travaillent déjà sur des
agents commerciaux capables d’interagir avec des catalogues produits. Dans le même temps,
les géants du paiement comme MasterCard, Visa, Stripe ou PayPal adaptent leurs systèmes pour pouvoir
traiter des transactions initiées par des agents intelligents plutôt que par l’utilisateur lui-même.
Les plateformes qui accompagnent les commerçants dans la vente en ligne, comme Shopify, ajustent elles aussi
leurs outils. L’objectif est clair : rester compatibles avec un futur dans lequel les commandes ne
viendront plus uniquement de clients humains naviguant sur un site, mais aussi d’algorithmes connectés à
leurs interfaces.
Fraude, erreurs, perte de contrôle : les risques à maîtriser
Avant que ce « commerce algorithmique » ne devienne la norme, plusieurs obstacles restent à surmonter.
Le premier concerne la fraude : si un agent autonome effectue des achats en série,
qui est responsable en cas d’utilisation abusive du moyen de paiement ?
Viennent ensuite les erreurs de commande ou d’interprétation. Une instruction mal formulée,
un profil client mal paramétré ou un modèle d’IA biaisé peuvent conduire à des achats inadaptés, voire
à des litiges compliqués à trancher. Pour les entreprises, il faudra mettre en place des garde-fous,
des processus de vérification et des interfaces capables de dialoguer avec ces nouveaux agents.
Certains dirigeants de la distribution continuent de miser sur un atout différenciant :
la relation humaine. Conseillers en magasin, vendeurs spécialisés, services après-vente renforcés
ou accompagnement personnalisé restent des leviers pour se distinguer d’un univers où la recommandation
est standardisée par les algorithmes.
Ce que doivent retenir les entreprises du Black Friday 2025
Le dernier Black Friday marque une étape symbolique : l’IA n’est plus un gadget, mais un
acteur à part entière du parcours d’achat. Les clients lui confient déjà la recherche des promotions,
et s’apprêtent peut-être à lui déléguer l’acte d’achat lui-même.
Pour les entreprises, trois chantiers se dessinent :
- intégrer l’IA dans leurs propres outils de relation client et de recommandation ;
- adapter leurs sites et leurs systèmes de paiement pour dialoguer avec des agents autonomes ;
- travailler leur valeur ajoutée humaine et leur image de marque, au-delà du simple prix.
Le commerce en ligne entre dans une nouvelle phase, où la concurrence ne se joue plus seulement entre enseignes,
mais aussi entre algorithmes. Les entreprises qui anticiperont cette mutation dès maintenant auront une longueur
d’avance lors des prochains temps forts commerciaux.



