Robot humanoide

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Robots humanoïdes : révolution technologique ou simple fantasme ?

Les robots humanoïdes, autrefois confinés aux récits de science-fiction, commencent à trouver leur place dans le monde réel. Ces machines, conçues pour ressembler et se comporter comme des humains, suscitent un intérêt croissant tant chez les ingénieurs que chez les investisseurs. Leur capacité à naviguer et à interagir dans des environnements conçus par et pour les humains offre une polyvalence inégalée. Alors que des entreprises comme Agility Robotics et Boston Dynamics font des progrès impressionnants, les défis techniques restent nombreux. Cet article explore les innovations, les applications actuelles et les obstacles à surmonter pour faire des robots humanoïdes une réalité quotidienne.

Robots humanoïdes en action

Les robots humanoïdes commencent à intégrer des environnements de travail réels, apportant leur aide dans des tâches répétitives et physiques. Par exemple, Amazon, le géant du commerce électronique, teste actuellement Digit, un robot développé par Agility Robotics. Ce robot, mesurant près de deux mètres de haut avec des jambes fines et une tête tubulaire, est capable de transporter des bacs vides d’une étagère à un convoyeur. Bien que le poste de travail de Digit soit encore isolé des employés humains, Agility Robotics espère à terme qu’il pourra travailler côte à côte avec eux.

De même, Boston Dynamics, une entreprise de robotique basée au Massachusetts, prévoit d’utiliser son dernier robot humanoïde, Atlas, dans les opérations de fabrication de Hyundai, le constructeur automobile sud-coréen qui en est propriétaire. Ces projets pilotes, bien que rudimentaires, démontrent les avancées significatives réalisées par les robots humanoïdes au cours des dernières décennies.

L’optimisme règne également chez les investisseurs. Selon CB Insights, une entreprise de données, depuis 2020, environ 2,3 milliards de dollars ont été investis dans des startups spécialisées dans la construction de robots humanoïdes. Ces nouvelles entreprises rivalisent avec des géants comme Boston Dynamics, Tesla et ubTech, une entreprise de robotique chinoise. Ces investissements témoignent de la confiance croissante dans le potentiel des robots humanoïdes à transformer divers secteurs industriels.

Défis et opportunités

Bien que les robots humanoïdes fassent des progrès notables, ils opèrent principalement dans des environnements très contrôlés et réalisent des tâches spécifiques. Par exemple, l’espace de travail de Digit chez Amazon est encore isolé des employés humains, ce qui souligne la nécessité de perfectionner ces machines pour une intégration plus sûre et efficace.

Cependant, les avantages potentiels sont significatifs. Les robots humanoïdes peuvent accroître la productivité en prenant en charge des tâches répétitives et pénibles, libérant ainsi les travailleurs humains pour des activités plus complexes et créatives. De plus, leur capacité à fonctionner sans se fatiguer offre une opportunité d’amélioration continue des opérations industrielles.

Ces machines présentent également des opportunités en matière d’innovation technologique. En explorant les limites de l’ingénierie robotique, les entreprises peuvent développer des technologies qui trouvent des applications au-delà des robots humanoïdes, dans d’autres domaines de la robotique et de l’automatisation. L’objectif ultime est de créer des robots capables de s’adapter à des environnements variés et de collaborer efficacement avec les humains, ouvrant la voie à une nouvelle ère de cohabitation homme-machine.

Conception et esthétique des robots humanoïdes

La conception des robots humanoïdes ne se limite pas à imiter l’apparence humaine. Elle doit également tenir compte des aspects fonctionnels et psychologiques. L’un des défis majeurs est d’éviter ce que l’on appelle la « vallée dérangeante » (uncanny valley) : un robot qui ressemble trop à un humain peut provoquer une sensation de malaise chez les observateurs. C’est pourquoi des robots comme Digit et Atlas adoptent des têtes de forme géométrique simple, évitant ainsi une ressemblance trop poussée avec les humains.

Le choix de la forme humaine est motivé par sa polyvalence. Un robot humanoïde peut potentiellement accomplir une grande variété de tâches dans des environnements conçus pour les humains. Les articulations métalliques remplacent les os, les roulements fonctionnent comme des articulations, les moteurs agissent comme des muscles, les caméras servent d’yeux et les processeurs font office de cerveau. Cette imitation de la structure humaine permet aux robots de naviguer et d’interagir plus facilement dans des espaces humains.

L’apparence de ces robots joue également un rôle crucial dans leur acceptation par le public et leur intégration dans des environnements de travail. En évitant une apparence trop humaine, les concepteurs peuvent créer des machines qui sont à la fois efficaces et moins perturbantes pour les personnes qui les côtoient. L’équilibre entre forme et fonction reste un élément clé du développement des robots humanoïdes, garantissant à la fois leur utilité pratique et leur acceptabilité sociale.

Performance et efficacité comparées aux humains

Malgré les avancées impressionnantes, les robots humanoïdes ne sont pas encore capables d’égaler les humains en termes d’efficacité et de dextérité. Une étude menée en novembre 2023 par Robert Riener, Luca Rabezzana et Yves Zimmermann de l’ETH Zurich a comparé la performance de 27 robots humanoïdes avec celle des humains. Les résultats montrent que, sur le plan fonctionnel, les robots surpassent les humains. Cela n’est guère surprenant : de nombreux moteurs peuvent fonctionner plus longtemps et soulever plus de poids que les muscles humains, et les fibres de carbone utilisées dans la construction des robots modernes sont conçues pour être plus résistantes que les os.

Cependant, lorsque ces fonctions sont mesurées en termes de taille, de poids ou de consommation d’énergie, la plupart des robots ne peuvent pas égaler l’efficacité ou la vitesse du corps humain. Par exemple, bien que les robots puissent marcher, courir et monter des escaliers comme les humains, ils le font souvent avec une consommation d’énergie beaucoup plus élevée. De plus, les robots sont généralement moins habiles avec leurs doigts et leurs mains. Digit, par exemple, est équipé de paumes sans doigts conçues uniquement pour déplacer des boîtes, limitant ainsi sa capacité à effectuer des tâches plus complexes.

M. Riener estime que l’avantage de la biologie sur l’ingénierie réside dans la meilleure intégration des appendices. Les humains bénéficient de millions d’années d’évolution, qui ont optimisé la coordination et la synergie de leurs membres et muscles. En revanche, les robots doivent encore surmonter des défis importants pour atteindre une performance similaire. Les avancées technologiques dans des domaines tels que la robotique biomimétique et l’intelligence artificielle pourraient aider à combler cet écart, mais il reste encore beaucoup à faire pour améliorer l’efficacité et la dextérité des robots humanoïdes.

Innovations et modularité

Certaines entreprises tentent de surmonter les limitations actuelles des robots humanoïdes en adoptant des conceptions modulaires et en réévaluant ce que signifie véritablement « ressembler à un humain ». Par exemple, Apollo, un robot humanoïde développé par Apptronik, est conçu avec une structure modulaire. Cette approche permet de combiner le torse du robot avec des jambes, une base roulante ou un piédestal, selon les besoins de la tâche à accomplir. Cette modularité augmente la polyvalence et l’adaptabilité du robot, lui permettant de s’attaquer à une variété de tâches dans différents environnements.

Sanctuary AI, une startup canadienne de robotique, adopte une approche différente en abandonnant complètement la locomotion bipède. Geordie Rose, cofondateur et directeur général de l’entreprise, estime que la plupart des tâches humaines peuvent être effectuées avec des mains agiles et un cerveau puissant. Les robots de Sanctuary AI possèdent donc des parties supérieures robustes avec des mains très flexibles. De plus, ces robots sont « tethered », c’est-à-dire connectés à une source d’énergie, ce qui leur permet d’utiliser des moteurs et des processeurs puissants sans se soucier de l’efficacité énergétique. M. Rose considère la focalisation des autres fabricants de robots sur les jambes bipèdes comme un « projet de vanité », prédisant qu’ils produiront des « jouets fragiles ».

Ces innovations montrent que l’ingénierie des robots humanoïdes est en constante évolution, chaque entreprise cherchant à repousser les limites de la technologie et à définir de nouvelles normes pour la robotique. La modularité et la reconsidération des aspects essentiels de l’apparence et de la fonctionnalité humaines ouvrent de nouvelles possibilités pour la conception de robots plus efficaces et plus adaptés à une multitude de tâches industrielles et commerciales.

Paradoxe de Moravec et défis futurs

Un des principaux obstacles à la création de robots humanoïdes pleinement fonctionnels est ce qu’on appelle le paradoxe de Moravec. Nommé d’après Hans Moravec, un roboticien canadien, ce paradoxe observe que les tâches simples pour les humains peuvent se révéler extrêmement complexes pour les machines. Moravec a noté que les machines peuvent facilement résoudre des problèmes mathématiques et logiques, mais peinent avec des mouvements qu’un enfant humain de un an maîtrise aisément.

Geordie Rose, de Sanctuary AI, cite l’exemple de tenir une tasse de café. Pour un robot, cette tâche apparemment simple requiert un logiciel de traitement de vision sophistiqué pour identifier la tasse, une formation rigoureuse pour les mouvements nécessaires à la saisir, et une conscience en temps réel pour ajuster son mouvement aux changements de l’environnement. Bien que les robots les plus avancés d’aujourd’hui puissent saisir des tasses sans difficulté, l’intelligence nécessaire pour fonctionner sans supervision dans un environnement en évolution rapide reste hors de portée.

Néanmoins, les avancées en intelligence artificielle permettent aux robots de tous types d’interagir avec les humains et leur environnement avec une sophistication croissante. L’intelligence artificielle, en particulier l’apprentissage automatique et les réseaux neuronaux, joue un rôle crucial dans l’amélioration de la perception et de la coordination des robots humanoïdes. À mesure que ces technologies progressent, il est possible que les robots humanoïdes puissent bientôt effectuer des tâches complexes de manière autonome, réduisant ainsi leur dépendance à des environnements contrôlés.

L’avenir des robots humanoïdes repose donc sur la capacité des ingénieurs à surmonter le paradoxe de Moravec et à développer des systèmes capables de s’adapter dynamiquement aux imprévus. En fin de compte, les robots capables de penser et d’agir comme des humains pourraient devenir une réalité courante, transformant notre manière de travailler et d’interagir avec la technologie.

Conclusion

Les robots humanoïdes, bien qu’encore en développement, montrent un potentiel immense pour transformer de nombreux aspects de notre vie quotidienne et industrielle. Des entreprises comme Agility Robotics et Boston Dynamics repoussent les limites de ce qui est possible, malgré les défis techniques et psychologiques. La forme humaine offre une polyvalence inégalée, et les avancées en intelligence artificielle et en ingénierie continuent de rapprocher ces machines de leur pleine intégration dans des environnements humains.

Le développement de ces robots ne se limite pas à l’amélioration de leur apparence et de leurs capacités motrices. La modularité, comme le démontre Apollo, et l’abandon de la locomotion bipède, comme le propose Sanctuary AI, ouvrent de nouvelles voies pour la conception et l’application des robots humanoïdes. Bien que des défis subsistent, notamment en raison du paradoxe de Moravec, les progrès en IA permettent des interactions plus sophistiquées entre les robots et leur environnement.

Avec des investissements croissants et une innovation constante, les robots humanoïdes sont en passe de devenir une composante essentielle de notre futur technologique. Ils pourraient bientôt effectuer des tâches complexes de manière autonome, offrant ainsi une nouvelle dimension de collaboration entre l’homme et la machine.

Sources :

  1. IEEE Spectrum : Un magazine de l’Institute of Electrical and Electronics Engineers (IEEE) qui publie des articles sur les avancées en robotique et intelligence artificielle. IEEE Spectrum
  2. MIT Technology Review : Une publication affiliée au Massachusetts Institute of Technology (MIT) qui couvre les innovations technologiques, y compris la robotique. MIT Technology Review
  3. Nature Robotics : Une revue scientifique qui publie des recherches de pointe sur la robotique. Nature Robotics
  4. CB Insights : Fournit des analyses et des données sur les investissements et les tendances dans les startups technologiques, y compris la robotique. CB Insights
  5. Boston Dynamics : Site officiel de l’une des entreprises leaders en robotique humanoïde. Ils publient des actualités et des informations sur leurs développements. Boston Dynamics
  6. Agility Robotics : Site officiel de l’entreprise derrière le robot humanoïde Digit, fournissant des informations détaillées sur leurs projets et innovations. Agility Robotics