Augmentations salariales 2025 : les prévisions prudentes de 800 professionnels RH

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Augmentations salariales 2025 : les prévisions prudentes de 800 professionnels RH

Je viens de consulter les résultats d’une enquête majeure sur les tendances salariales pour 2025, et permettez-moi d’être franc : le thermomètre des augmentations s’annonce plutôt frisquet. La 8ème édition du baromètre « Les RH au quotidien » (réalisé par Les Éditions Tissot et PayFit) a interrogé plus de 800 professionnels RH, et leurs prévisions traduisent une prudence quasi chirurgicale face à ce que j’appelle le contexte de « permacrise » économique.

Le grand refroidissement des politiques salariales en 2025

Le contraste avec 2024 est saisissant. Alors que seules 5% des entreprises n’envisageaient aucune action salariale l’an dernier, ce chiffre bondit à 27% pour 2025. Un signal d’alarme pour les salariés qui espéraient voir leur pouvoir d’achat renforcé. La tendance est claire : les directions financières resserrent les cordons de la bourse.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes et illustrent cette frilosité grandissante :

  • 47% des entreprises prévoient des augmentations individuelles (contre 62% en 2023)
  • 24% envisagent des augmentations collectives (vs 41% en 2023)
  • 30% seulement prévoient des primes individuelles (contre 40% précédemment)
  • 36% ont travaillé sur une politique de rémunération plus attractive en 2024 (vs 45% en 2023)

Seule l’épargne salariale semble résister à cette cure d’austérité, avec 32% des entreprises maintenant ces dispositifs (participation, intéressement), un niveau proche de 2024 (34%). Cette stabilité témoigne d’une stratégie délibérée : privilégier les rémunérations variables liées aux résultats plutôt que d’augmenter les salaires fixes.

Ce qui me frappe, c’est le décalage entre les attentes des salariés et la réponse des employeurs. Selon l’étude, 66% des employés considèrent la rémunération comme un enjeu prioritaire pour 2025 (en hausse de 2 points). Mais face à cette demande, les entreprises semblent préférer verrouiller les coffres-forts et chercher d’autres terrains de jeu.

Fidéliser sans augmenter : le nouveau mantra des ressources humaines

Les départements RH se retrouvent dans une position délicate, pris entre le marteau des restrictions budgétaires et l’enclume des attentes salariales. Pour 63% des professionnels interrogés, la fidélisation des collaborateurs constitue le challenge numéro un de 2025, devançant même le recrutement (54%). Une tendance qui s’accentue depuis plusieurs années.

Je constate que face à l’impossibilité d’utiliser le levier salarial, les entreprises réorientent leurs stratégies vers la gestion des ressources humaines centrée sur le bien-être. La qualité de vie au travail (QVT) devient ainsi un axe majeur pour 61% des équipes RH.

Voici comment se répartissent les priorités RH pour 2025 :

Priorité RH Pourcentage Évolution vs 2024
Fidélisation des talents 63%
Qualité de vie au travail 61%
Recrutement 54%
Négociations salariales 38% ↘ (-7 points)

Ce qui me paraît paradoxal, c’est que malgré cette intention affichée de prioriser la fidélisation, les négociations salariales reculent significativement (38% en 2025, -7 points par rapport à 2024). Comment retenir durablement des talents sans leur offrir de progression financière tangible dans un contexte inflationniste ? Cette équation semble difficilement soluble.

Digitalisation et IA : des solutions encore sous-exploitées

La pression sur les équipes RH s’intensifie. D’un côté, elles doivent jongler avec des budgets contraints, de l’autre, répondre aux attentes croissantes en matière de bien-être au travail. Sans surprise, 60% des professionnels RH consacrent au moins la moitié de leur journée à des tâches administratives plutôt qu’à des missions stratégiques à forte valeur ajoutée.

Je remarque que la digitalisation progresse mais reste fragmentaire. Si 96% des départements RH utilisent au moins un outil digital, la gestion de la paie (69%) domine largement. Seulement 29% des entreprises ont adopté un SIRH complet permettant une gestion intégrée des ressources humaines. L’automatisation semble avancer à petits pas, insuffisants pour libérer du temps stratégique.

Quant à l’intelligence artificielle, censée réformer le secteur, elle reste étonnamment marginale :

  • 17% des RH l’utilisent régulièrement
  • 3% seulement en font un véritable levier stratégique
  • 33% envisagent de l’adopter prochainement
  • 27% y sont réticents (10% la perçoivent comme une menace, 17% refusent catégoriquement de l’utiliser)

Face à cette réalité, l’externalisation des services RH pourrait apparaître comme une solution viable pour certaines structures cherchant à optimiser leurs coûts tout en accédant à une expertise pointue.

Perspectives d’évolution pour les prochaines années

Je suis convaincu que cette tendance à la prudence salariale n’est pas qu’un phénomène conjoncturel mais pourrait s’inscrire dans une transformation plus profonde du rapport entre employeurs et salariés. Les entreprises semblent vouloir rééquilibrer leur proposition de valeur au-delà du simple aspect financier, même si elles prennent le risque de sous-estimer l’importance persistante du pouvoir d’achat.

Marie-Alice Tantardini, DRH de Payfit, résume parfaitement ce paradoxe : « Les résultats du baromètre attestent à nouveau à quel point on peut parler de vocation dans la fonction RH. Mais ils révèlent aussi un paradoxe : alors que la fidélisation et la qualité de vie au travail sont les priorités exprimées pour 2025, les équipes RH restent submergées par des tâches administratives. »

En définitive, cette prudence salariale généralisée pourrait entraîner plusieurs conséquences : une mobilité accrue des talents, une pression à la hausse sur les salaires d’embauche, et probablement un investissement plus marqué dans les avantages non-financiers. La bataille pour fidéliser les meilleurs collaborateurs se jouera de plus en plus sur des terrains alternatifs comme la flexibilité, le sens du travail et le bien-être.