L’ancien directeur de Nespresso succède à Laurent Freixe, licencié pour violation du code de conduite
Le conseil d’administration de Nestlé a nommé le 1er septembre 2025 Philipp Navratil, 49 ans, au poste de directeur général avec effet immédiat. Cette décision intervient après le licenciement brutal de Laurent Freixe, révoqué pour avoir entretenu une relation amoureuse non déclarée avec une subordonnée directe. Ancien patron de Nespresso et membre du comité exécutif depuis janvier, ce Suisse-Autrichien polyglotte incarne la continuité dans la tempête. Après 24 ans passés à gravir méthodiquement les échelons du géant de Vevey, il hérite d’un groupe fragilisé par les scandales et une performance boursière décevante. Portrait d’un gestionnaire discret propulsé sous les projecteurs dans des circonstances exceptionnelles.
L’homme des situations difficiles
La carrière de Philipp Navratil se distingue par sa capacité à transformer des situations compromises en succès opérationnels. Au Honduras, entre 2009 et 2013, il hérite d’une filiale confrontée à un environnement économique hostile : coup d’État de 2009, criminalité endémique, infrastructure défaillante. Pourtant, sous sa direction, Nestlé Honduras enregistre une croissance à deux chiffres et devient un modèle de résilience dans la zone Amérique centrale.
Paul Bulcke, président du conseil d’administration de Nestlé, ne tarit pas d’éloges : « Philipp est reconnu pour son parcours impressionnant, jalonné de succès obtenus malgré des circonstances difficiles. Il inspire les équipes et dirige avec un style de management collaboratif et inclusif. » Cette approche managériale, alliant rigueur financière et intelligence émotionnelle, s’est révélée particulièrement efficace au Mexique où il a orchestré le repositionnement premium de Nescafé face à une concurrence féroce.
Son passage à la tête de Nespresso, bien que bref, confirme cette aptitude au redressement rapide. En moins d’un an, il a réactivé la croissance de la marque emblématique, confrontée à l’érosion de ses parts de marché face aux capsules compatibles et aux nouveaux entrants. Sa maîtrise de cinq langues – allemand, italien, anglais, espagnol et français – lui confère une agilité culturelle précieuse pour naviguer dans l’univers complexe d’une multinationale présente dans 186 pays.
Le parcours de Philipp Navratil chez Nestlé : 24 ans d’ascension
2001-2005 : Auditeur interne puis chef d’équipe audit • Missions dans plus de 15 pays
2005-2009 : Postes commerciaux en Amérique centrale • Développement marché régional
2009-2013 : Directeur général Nestlé Honduras • Croissance à deux chiffres malgré la crise
2013-2020 : VP Café et Boissons Mexique • Repositionnement réussi de Nescafé
2020-2024 : VP Senior Unité Stratégique Café mondiale • Pilotage Nescafé et Starbucks
Juillet 2024 : Directeur général Nespresso • Relance de la croissance
Janvier 2025 : Membre du comité exécutif Nestlé
1er septembre 2025 : Nommé CEO de Nestlé S.A.
Formation : MBA Université de Saint-Gall (Suisse) – Spécialisation finance et marchés de capitaux
Nationalités : Suisse et autrichienne
Langues : Allemand, italien, anglais, espagnol, français
Âge : 49 ans
Une nomination qui intervient dans un contexte explosif
La nomination de Navratil ne peut se comprendre sans revenir sur le séisme qui vient de secouer Nestlé. Laurent Freixe, nommé CEO en septembre 2024 après 38 ans de carrière dans le groupe, a été licencié avec effet immédiat pour « violation du Code de conduite des affaires ». L’enquête interne, supervisée par Paul Bulcke et Pablo Isla, administrateur principal indépendant, a révélé une relation amoureuse non déclarée avec une subordonnée directe.
« C’était une décision nécessaire », a tranché Paul Bulcke. « Les valeurs et la gouvernance de Nestlé constituent les fondements solides de notre entreprise. » Ce licenciement intervient alors que le groupe peine déjà à restaurer son image après le scandale des eaux minérales en France. Les auditions au Sénat français d’avril 2025 ont mis en lumière des traitements interdits sur les marques Vittel, Contrex, Hépar et Perrier.
Dans ce contexte, le choix de Navratil envoie un signal clair : priorité à la stabilité et à l’éthique. « J’adhère pleinement à l’orientation stratégique de l’entreprise ainsi qu’au plan d’action en place pour améliorer les performances », a déclaré le nouveau dirigeant. Un message calibré pour rassurer des marchés échaudés : l’action Nestlé reste quasi-stable depuis janvier avec une légère hausse de 0,67%, mais sous-performe nettement ses concurrents.
Quatre chantiers prioritaires pour le nouveau patron
Le nouveau CEO hérite de défis structurels qui dépassent la seule crise de gouvernance. Premier chantier : restaurer la cohésion interne après le traumatisme du licenciement de Freixe. Les 255 000 employés du groupe ont besoin de signaux forts sur la continuité opérationnelle et les valeurs d’entreprise.
Deuxième urgence : finaliser la révision stratégique de la division vitamines annoncée en juillet. Cette restructuration pourrait conduire à des cessions de marques pour se recentrer sur le segment premium des compléments alimentaires, un marché en forte croissance mais ultra-concurrentiel.
Troisième défi : faire face au rachat de JDE Peet’s par Keurig Dr Pepper pour 18,4 milliards de dollars, opération qui pourrait reconfigurer le marché du café malgré une scission prévue des activités, territoire historique de Nestlé. Navratil devra mobiliser son expertise du secteur pour défendre les positions de Nescafé et Nespresso.
Enfin, le redressement boursier s’impose comme priorité absolue. Avec une capitalisation d’environ 194 milliards de francs suisses, Nestlé sous-performe ses concurrents. Les analystes attendent des signaux forts sur la croissance organique et l’amélioration des marges, dans un contexte d’inflation persistante des matières premières. « Nous ne perdrons pas de rythme en termes de performance », a promis Paul Bulcke. Une promesse que Navratil devra rapidement transformer en résultats tangibles.
Épilogue
La première prise de parole publique de Philipp Navratil sera scrutée lors de la présentation des résultats du troisième trimestre, prévue fin octobre. Les analystes restent partagés : si la continuité stratégique rassure, certains questionnent l’absence de rupture dans un marché en mutation accélérée. Pour ce dirigeant formé à l’école Nestlé, le défi sera de prouver qu’une promotion interne peut incarner le renouveau nécessaire. Sa réussite dans le café suffira-t-elle à redresser un paquebot de 270 marques ?