Succession Armani : LVMH, L'Oréal et EssilorLuxottica en bataille

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Succession Armani : LVMH, L’Oréal et EssilorLuxottica dans la bataille

La succession testamentaire d’Armani bouleverse l’industrie du luxe avec trois prétendants désignés.

  • LVMH mène la charge : Bernard Arnault mise sur son expertise mode et ses moyens financiers considérables pour décrocher l’empire italien
  • L’Oréal défend ses acquis : le groupe cosmétique exploite déjà Armani Beauty et craint de perdre ce partenariat milliardaire
  • EssilorLuxottica joue l’atout italien : l’origine transalpine constitue un avantage face aux réticences gouvernementales italiennes
  • Valorisation colossale : entre 8 et 10 milliards d’euros pour 2,3 milliards de chiffre d’affaires annuel

L’ouverture du testament de Giorgio Armani, décédé le 4 septembre à 91 ans, a créé un véritable séisme dans l’industrie du luxe. Je dois avouer que personne ne s’attendait à ce twist final : le créateur milanais, champion de l’indépendance de son vivant, demande explicitement à ses héritiers de céder son empire dans les 12 à 18 mois. Et pas à n’importe qui.

Dans cette bataille industrielle qui s’annonce, trois prétendants sont nommément désignés : LVMH, L’Oréal et EssilorLuxottica. Une liste qui a de quoi faire grincer des dents à Milan, surtout quand on sait que Giorgia Meloni veille jalousement sur les fleurons italiens. Mais bon, les dernières volontés d’un génie de la mode, ça se respecte… même quand ça dérange.

Les trois géants face à l’héritage Armani : qui tire son épingle du jeu ?

Bernard Arnault ne cache pas ses ambitions. Le patron de LVMH a d’ailleurs rendu un hommage appuyé au créateur italien, le plaçant au même niveau que Christian Dior – rien que ça. Dans les couloirs de l’avenue Montaigne, on se dit « confiant » d’avoir les meilleurs arguments. Spoiler alert : quand LVMH veut quelque chose, le groupe met généralement les moyens.

L’Oréal joue une partition différente mais tout aussi stratégique. Le géant des cosmétiques réalise déjà plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires avec sa licence Armani Beauty, renouvelée jusqu’en 2050. Mais si la maison italienne tombait dans l’escarcelle de LVMH, ce partenariat pourrait être fragilisé. Une perspective qui donne des sueurs froides au comité exécutif du groupe.

EssilorLuxottica, dirigé par Francesco Milleri, dispose d’un atout de taille : l’italianité qui fait défaut aux deux mastodontes français. Le groupe, bien qu’inscrit au CAC 40, reste perçu comme italien mis à part-Alpes. Un avantage non négligeable dans un contexte où Rome surveille de près les acquisitions étrangères.

Prétendant Chiffre d’affaires 2023 Atout principal Risque identifié
LVMH 86,2 milliards € Expertise mode/luxe Réticences italiennes
L’Oréal 41,2 milliards € Partenariat existant Méconnaissance mode
EssilorLuxottica 25,4 milliards € Origine italienne Capacités financières

La valorisation d’Armani : entre 8 et 10 milliards d’euros en jeu

Giorgio Armani Spa, c’est 2,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel et une valorisation estimée entre 8 et 10 milliards d’euros. Pas exactement de la petite monnaie, même pour des géants industriels. Mais attention : la chute de 24% des résultats l’an dernier pourrait inciter certains candidats à négocier le prix à la baisse. Parce que oui, même dans le luxe, on compte…

Le testament prévoit un mécanisme progressif assez malin. D’abord 15% du capital dans les 12 à 18 mois, puis 30 à 54,9% supplémentaires d’ici 3 à 5 ans. Au final, l’acquéreur contrôlerait 70% du capital d’ici 2030, la Fondazione Giorgio Armani gardant le reste. Une structure qui préserve l’héritage artistique tout en permettant une montée en puissance industrielle.

Leo Dell’Orco, le compagnon du créateur, détient 40% des droits de vote et jouera un rôle décisif. Sa décision pourrait bien faire la différence entre les prétendants. Dans cette configuration, les évolutions salariales du secteur du luxe pourraient également influencer les négociations, les acquéreurs devant intégrer ces coûts dans leur stratégie.

Les outsiders et l’option cotation : des alternatives crédibles

Exor, le holding des Agnelli, fait figure d’outsider sérieux. John Elkann avait d’ailleurs étudié avec Giorgio Armani les modalités d’un accompagnement de cette transition. La famille turinoise a déjà mis un pied dans le luxe avec l’acquisition de Shang Xia et sa participation dans Louboutin. Une diversification logique au-delà de l’automobile.

Si aucun accord n’aboutit, le testament prévoit une cotation en Bourse dans les huit ans. Cette option présente l’avantage de maintenir le groupe dans le giron national, tout en permettant un développement international. Une carte maîtresse qui pourrait faire réfléchir les prétendants sur leur offre.

La liste des grands absents interroge : ni Hermès, ni Chanel, ni même Kering n’apparaissent dans les volontés testamentaires. François-Henri Pinault a d’autres priorités avec le redressement de Gucci et la montée au capital de Valentino. L’évolution des rémunérations dans le secteur pourrait d’ailleurs complexifier ces restructurations industrielles.

L’impact géopolitique de la bataille Armani

Cette succession dépasse largement le cadre économique pour devenir un enjeu de souveraineté industrielle. L’intérêt de deux groupes français pour l’une des dernières griffes italiennes indépendantes risque de raviver les tensions franco-italiennes dans le luxe. Giorgia Meloni ne laissera pas passer une acquisition majeure sans réagir.

La mort de Giorgio Armani a provoqué une vague d’émotion nationale : tous les magasins de luxe milanais ont baissé le rideau simultanément. Ce geste symbolique illustre l’attachement italien à ses créateurs emblématiques. Dans ce contexte émotionnel, l’argument de l’italianité d’EssilorLuxottica prend une dimension particulière.

Les prochains mois s’annoncent décisifs pour définir l’avenir de cette maison iconique. Entre valorisation financière, préservation de l’héritage artistique et enjeux géopolitiques, la bataille pour Armani cristallise tous les défis contemporains de l’industrie du luxe. Et franchement, ça va être du spectacle.