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Industrie

Relocalisation industrielle : état des lieux, enjeux et perspectives en 2025

En bref :
  • La relocalisation industrielle désigne le retour en France d’activités auparavant délocalisées, souvent pour des raisons stratégiques, logistiques ou écologiques.
  • En 2024, 115 nouveaux sites industriels ont vu le jour, dont 77 portés par des PME/ETI — signe d’un frémissement réel mais encore fragile.
  • Les secteurs les plus dynamiques : électronique, hydrogène, agroalimentaire alternatif, économie circulaire.
  • Les ETI jouent un rôle moteur dans cette dynamique, avec des exemples concrets comme Hexa Pinball, SOS Accessoire ou Neyret.
  • France 2030 soutient massivement l’innovation, mais les aides restent trop orientées vers la deeptech, excluant une grande partie des PME régionales.
  • Coût de production, manque de main-d’œuvre qualifiée et complexité administrative restent des freins majeurs.
  • À horizon 2030, la relocalisation pourrait s’inscrire dans une stratégie “industrie 5.0” mêlant automatisation, décarbonation et ancrage territorial.

Relocalisation industrielle : l’expression, devenue familière depuis la crise sanitaire de 2020, s’est imposée dans le langage politique, économique et médiatique. Derrière ce terme parfois galvaudé, une réalité s’esquisse : celle d’un changement de paradigme industriel…

Dates de la réindustrialisation en France

Relocalisation industrielle : de quoi parle-t-on exactement ?

Définition officielle et nuances sémantiques

Relocaliser, c’est d’abord rapatrier une activité économique dans son pays d’origine, après l’avoir transférée à l’étranger — généralement pour des raisons de coûts. Plus précisément, on parle de relocalisation industrielle lorsqu’une entreprise choisit de réimplanter une unité de production, d’assemblage, de services, de logistique ou de R&D en France, après l’avoir fait opérer depuis l’étranger.

Contrairement à une idée reçue, il ne s’agit pas seulement de « ramener des usines ». La relocalisation peut aussi concerner des activités à haute valeur ajoutée, et s’inscrit dans une logique stratégique et structurelle, plus que dans une simple quête d’économies.

La Banque des Territoires propose une définition claire : c’est « une stratégie d’entreprise consistant à réimplanter une partie ou l’intégralité d’une activité dans le pays de la société mère », qu’il s’agisse d’une activité nouvelle ou réintégrée après délocalisation.

Relocalisation, réindustrialisation : attention aux amalgames

Deux notions proches, mais à ne pas confondre. La réindustrialisation désigne un mouvement plus large : celui qui vise à renforcer la part de l’industrie dans l’économie nationale. Cela peut passer par la création d’usines nouvelles, l’extension de sites existants, la modernisation de procédés, etc.

La relocalisation, en revanche, est un sous-ensemble de la réindustrialisation. Elle ne concerne que les entreprises ayant délocalisé une activité dans le passé et qui font aujourd’hui le choix de la rapatrier. Toutes les relocalisations contribuent à la réindustrialisation, mais toutes les réindustrialisations ne sont pas des relocalisations.

Cette distinction est cruciale : la relocalisation implique une forme de retour, souvent symbolique, parfois coûteux, mais porteur de sens à l’heure de la souveraineté économique et des circuits courts.

Une dynamique amorcée bien avant 2020

Contrairement à ce qu’on croit souvent, la relocalisation n’est pas née avec le Covid-19. En France, les premiers mouvements remontent à la fin des années 2000, à bas bruit. Ils ont été largement accélérés par les crises récentes : pandémie mondiale, guerre en Ukraine, tensions sur les chaînes d’approvisionnement, inflation énergétique, etc.

Ainsi, dès 2021, le cabinet Trendeo recensait 155 cas de relocalisations en France, contre à peine 10 à 20 par an au cours de la décennie précédente. Le phénomène reste marginal, mais il change d’échelle.

Ce qui était un épiphénomène est désormais un enjeu stratégique national, intégré dans les programmes publics (France Relance, France 2030), les politiques régionales, et les décisions d’investissement de plus en plus nombreuses d’ETI et de startups industrielles.

Pourquoi relocaliser ? Avantages économiques, écologiques et stratégiques

Réduction des coûts logistiques et dépendances critiques

Pendant longtemps, le principal moteur des délocalisations fut une équation apparemment imparable : main-d’œuvre moins chère + fiscalité allégée + législation plus souple = gains de compétitivité immédiats. Mais cette logique s’est peu à peu retournée contre elle-même.

La crise sanitaire, suivie par la guerre en Ukraine, a mis en lumière l’extrême fragilité des chaînes d’approvisionnement mondialisées. Délai de livraison imprévisibles, pénuries de composants, dépendance à des zones géopolitiquement instables : le prix de la dépendance s’est révélé bien plus élevé que prévu.

En relocalisant, les entreprises cherchent donc à sécuriser leurs approvisionnements, réduire les risques liés aux ruptures logistiques et mieux contrôler leur production. L’optimisation ne passe plus seulement par le coût, mais par la résilience.

Besoin de traçabilité, souveraineté et réassurance post-crise

Autre facteur-clé : l’attente croissante des consommateurs en matière de transparence, traçabilité, qualité et souveraineté. Le « Made in France », autrefois perçu comme une coquetterie marketing, devient un vecteur de confiance.

Dans un contexte où les scandales liés à la sous-traitance (conditions de travail, qualité des produits, impact environnemental…) ont entamé la crédibilité de certaines marques, relocaliser permet de reprendre le contrôle sur la chaîne de valeur.

C’est aussi une réponse à l’enjeu de souveraineté économique, porté par les pouvoirs publics et de plus en plus partagé par les dirigeants d’entreprises. Un produit fabriqué en France n’est pas seulement plus traçable, il est moins vulnérable aux soubresauts du commerce international.

Atouts en matière de productivité, image et responsabilité sociétale

Relocaliser, ce n’est pas « faire la même chose qu’avant, mais plus cher ». C’est souvent refondre l’organisation de la production : automatisation, digitalisation, modernisation des processus. Ce mouvement permet, dans de nombreux cas, de gagner en performance et en réactivité, notamment pour des produits à forte valeur ajoutée ou des marchés exigeants.

Du point de vue de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE), la relocalisation marque aussi des points : meilleures conditions de travail, réduction de l’empreinte carbone, création d’emplois locaux, réduction des transports intercontinentaux.

Comme le souligne la Banque des Territoires, il s’agit aussi de valoriser l’image de l’entreprise : relocaliser devient un signal positif envoyé aux salariés, aux partenaires, aux investisseurs et aux clients.

En somme, relocaliser n’est plus un acte de repli défensif. C’est une décision offensive, un pari stratégique sur un modèle industriel plus robuste, plus durable, plus lisible.

Infographie : avantages de la relocalisation industrielle

Une dynamique en marche : état des lieux de la relocalisation en France (2023–2025)

Les chiffres clés de la relocalisation en France

Si la relocalisation industrielle a longtemps été marginale, les dernières données montrent un changement d’échelle. Selon le baromètre Trendeo relayé par la Banque des Territoires, la France a enregistré plus de 115 relocalisations entre septembre 2019 et décembre 2021, contre à peine une dizaine par an auparavant. Un frémissement, certes, mais significatif.

En 2024, Bpifrance a confirmé cette tendance dans son observatoire annuel publié en mars 2025 :

  • 115 nouveaux sites industriels ont été inaugurés en 2024, dont 77 portés par des PME et ETI
  • 97 % des startups industrielles ayant levé des fonds en 2023 et 2024 produisent en France
  • 59 % des startups ayant levé des fonds en 2024 sont issues de la deeptech
  • 3,7 milliards d’euros ont été déployés par Bpifrance pour soutenir l’industrialisation, dont 927 millions d’euros pour les startups, PME et ETI industrielles

Ces chiffres confirment que la relocalisation s’intègre à une dynamique plus large de réindustrialisation, fortement soutenue par l’État à travers France 2030 et le plan stratégique de Bpifrance pour 2025–2029.

L’essor des ETI et PME dans le mouvement

Contrairement à une idée reçue, les grandes entreprises ne sont pas les premières concernées. Ce sont les PME et les ETI — souvent enracinées dans leur territoire, flexibles, à taille humaine — qui portent la majorité des projets de relocalisation.

Certaines prennent même des décisions très structurantes :

  • SOS Accessoire, ETI spécialisée dans les pièces détachées, a récemment absorbé le groupe Iris pour créer Ecoparts, un acteur de 120 millions d’euros de chiffre d’affaires et près de 300 salariés
  • Hexa Pinball, installée à Martillac, relance une filière industrielle oubliée depuis 60 ans : la fabrication de flippers « made in France »
  • Neyret, rubanier bicentenaire, transforme son activité traditionnelle en intégrant de nouvelles technologies dans les textiles tissés

Ces entreprises démontrent que la relocalisation ne concerne pas seulement les start-up ou les « licornes industrielles », mais aussi des acteurs intermédiaires solides, capables de structurer un tissu économique régional.

Les secteurs moteurs : deeptech, agroalimentaire, hydrogène, électronique

L’observatoire Bpifrance identifie plusieurs filières particulièrement dynamiques en matière de relocalisation :

  • Composants électroniques : Dracula Technologies (cellules photovoltaïques organiques), Iten (microbatteries), EYCO (supports de puces)
  • Hydrogène : HDF Energy, Haffner Energy et Innoplate ont toutes lancé de nouveaux sites en France en 2024
  • Agroalimentaire alternatif : SWAP, Innovafeed, Algama créent des ingrédients à base de végétaux, insectes ou algues
  • Économie circulaire : Uzaje, Eco In Pack et BE WTR redonnent vie à la consigne et aux circuits courts

Ces secteurs bénéficient à la fois de soutiens publics, d’une demande croissante (exigence écologique, circuits courts) et d’une base technologique forte, qui justifie la relocalisation.

Les indicateurs sont clairs : la relocalisation industrielle est en marche, portée par un mix d’initiatives privées ambitieuses et de politiques publiques incitatives. Mais cette dynamique est encore fragile — et inégalement répartie. Elle dépend largement des dispositifs d’accompagnement… et de leur mise en œuvre réelle, que nous allons analyser dans le chapitre suivant.

L’action des pouvoirs publics : plans, aides et limites

France Relance et France 2030 : quel soutien pour les relocalisations ?

Dès 2020, le gouvernement a posé les premières briques d’une politique de relocalisation avec le plan France Relance, qui prévoyait une enveloppe de 850 millions d’euros dédiée à cinq filières critiques : santé, agroalimentaire, électronique, intrants essentiels et 5G.

Ce plan a permis de soutenir 477 projets industriels, dont 311 portés par des PME, pour un investissement total de 3,2 milliards d’euros et 50 000 emplois créés ou consolidés.

France 2030 a ensuite pris le relais, avec une ambition plus large et plus technologique : relocaliser en investissant dans l’innovation de rupture. Doté de 54 milliards d’euros, le programme finance des projets dans la deeptech, l’hydrogène, la bioproduction, ou encore l’électronique souveraine. L’objectif affiché : faire émerger une industrie compétitive, durable et indépendante.

Le rôle de Bpifrance, Banque des Territoires et autres acteurs publics

En parallèle, des acteurs comme Bpifrance, la Banque des Territoires ou les agences de développement économique régionales (comme Solutions&Co dans les Pays de la Loire) jouent un rôle clé. Ils assurent l’accompagnement financier, foncier, juridique, RH, avec un savoir-faire opérationnel souvent décisif pour faire atterrir les projets.

Bpifrance, par exemple, a engagé en 2024 927 millions d’euros de soutien direct aux PME, ETI et startups industrielles, dans le cadre de son plan stratégique 2025–2029.

La Banque des Territoires, elle, finance des outils de production, la reconversion de friches, des unités de traitement, ou encore des projets immobiliers industriels clé en main.

Limites des dispositifs : critères restrictifs, déséquilibres persistants

Mais tout n’est pas si rose. Plusieurs voix s’élèvent pour pointer les limites structurelles de cette politique. Olivier Lluansi, ancien haut fonctionnaire et auteur de Réindustrialiser, le défi d’une génération, affirme que seuls 10 à 15 % des projets d’ETI et PME régionales sont aujourd’hui éligibles aux appels à projets France 2030.

Les critères sont parfois trop technologiques, trop calibrés pour les grands groupes, et peu adaptés à la réalité des acteurs industriels de terrain. Les aides sont aussi complexes à mobiliser, et nécessitent des capacités d’ingénierie administrative que beaucoup de PME ou ETI ne possèdent pas.

Le risque est alors double : un effet d’aubaine pour les grands groupes déjà organisés, et une éviction silencieuse des industriels intermédiaires, pourtant au cœur du tissu productif français.

En résumé, si les pouvoirs publics ont joué un rôle décisif dans le réveil industriel, ils doivent maintenant adapter leur approche, et veiller à ne pas confondre innovation de rupture et transformation industrielle globale. La relocalisation n’est pas qu’une affaire de technologie ; c’est aussi une affaire de proximité, de résilience et de réalisme économique.

Cas concrets de relocalisation réussie en 2025

Hexa Pinball, SOS Accessoire, Neyret… le retour gagnant du Made in France

La relocalisation industrielle ne se joue pas uniquement dans les grands discours politiques ou les plans quinquennaux. Sur le terrain, des entreprises concrétisent ce mouvement. Certaines avec discrétion, d’autres avec panache — mais toutes avec détermination.

Prenons Hexa Pinball. Installée à Martillac (Gironde), cette jeune pousse conçoit et fabrique… des flippers. Oui, ces objets rétro que l’on croyait à jamais délocalisés ou enterrés. Après 60 ans d’absence, la filière renaît en France. Hexa Pinball produit localement, maîtrise toute sa chaîne de valeur et relance un savoir-faire presque oublié, avec une ambition à la fois industrielle et culturelle.

Autre exemple : SOS Accessoire, PME spécialisée dans la vente de pièces détachées pour électroménager. En rachetant le groupe Iris, elle donne naissance à Ecoparts, un groupe industriel intégré de 120 millions d’euros de chiffre d’affaires, employant près de 300 personnes. Ici, relocaliser ne signifie pas simplement « produire en France », mais structurer un groupe industriel compétitif, capable de proposer une alternative durable à l’obsolescence programmée.

Et que dire de Neyret, rubanerie bicentenaire basée à Saint-Étienne, qui conjugue artisanat historique et haute technologie ? L’entreprise a investi dans la transformation numérique de ses métiers, intégrant de l’ingénierie textile, des dispositifs connectés, voire de la data, dans ses rubans tissés. Un bel exemple de modernisation intelligente — et profondément enracinée.

Startups industrielles et deeptech : l’option relocalisation d’entrée de jeu

Côté startups, on note une tendance forte : produire en France dès la création. Les dernières données de Bpifrance sont éloquentes : 97 % des startups ayant levé des fonds en 2023–2024 produisent sur le territoire national, et près de 60 % d’entre elles sont issues de la deeptech.

Des entreprises comme Dracula Technologies (cellules photovoltaïques organiques), Iten (microbatteries) ou Innoplate (hydrogène) misent sur une industrialisation immédiate et locale. Non seulement pour des raisons d’efficacité logistique ou de souveraineté, mais aussi pour des questions de propriété intellectuelle, de réactivité et de valeur perçue.

La relocalisation n’est donc pas seulement un retour — c’est aussi un choix stratégique fondateur pour une nouvelle génération d’industriels français.

Obstacles persistants et critiques légitimes

La question du coût et de la compétitivité hors prix

Relocaliser, oui… mais à quel prix ? Pour beaucoup d’industriels, la première barrière reste le différentiel de coût de production entre la France et les pays historiquement choisis pour la délocalisation. Salaires plus élevés, charges sociales, fiscalité locale, normes environnementales strictes : l’équation est complexe.

Même en intégrant l’automatisation ou les gains logistiques, le coût unitaire reste parfois dissuasif pour des produits à faible valeur ajoutée. La relocalisation ne peut donc fonctionner que si elle s’accompagne :

  • d’investissements technologiques permettant d’automatiser certains procédés,
  • d’un positionnement qualitatif des produits,
  • et, parfois, d’une acceptation par le consommateur d’un prix de vente légèrement supérieur.

Un soutien trop technocentré ? La critique d’Olivier Lluansi

C’est l’un des points les plus débattus dans les cercles économiques. Olivier Lluansi, ancien conseiller industrie auprès du Premier ministre et auteur du remarqué Réindustrialiser, le défi d’une génération, alerte : “La France va retomber dans les destructions d’usines si elle ne revoit pas sa stratégie.”

Sa critique est double :

  1. Une obsession pour l’innovation de rupture et la deeptech, qui ne concernerait selon lui qu’un tiers du potentiel de réindustrialisation
  2. Une négligence des PME et ETI existantes, qui représentent pourtant les deux tiers du potentiel industriel du pays

Il souligne un paradoxe : seulement 10 à 15 % des projets d’ETI régionales sont aujourd’hui éligibles aux appels à projets France 2030. Autrement dit, l’essentiel des aides publiques vise une minorité d’acteurs, laissant de côté le gros du tissu industriel, celui qui crée de l’emploi local et structure les bassins d’activité.

Main-d’œuvre, formation, équipements : des freins encore puissants

Même lorsque les financements sont disponibles, les entreprises se heurtent à des difficultés opérationnelles majeures :

  • Manque de main-d’œuvre qualifiée, en particulier dans les métiers techniques
  • Pénurie d’ingénieurs de terrain, à l’aise à la fois avec la production et la gestion de projet
  • Déficit d’équipements industriels intermédiaires, entre l’atelier artisanal et la méga-usine automatisée

Le rapport Peretti sur les ressources humaines souligne depuis longtemps le besoin d’une GPEC territoriale renforcée, capable d’anticiper les besoins de compétences, de mobiliser les CFA et d’accompagner les transitions industrielles.

À cela s’ajoute parfois un effet NIMBY industriel (not in my backyard) : la relocalisation suppose la construction de nouveaux sites, souvent confrontés à des réticences locales, des lenteurs administratives, voire des oppositions environnementales.

Quelles perspectives pour la relocalisation industrielle à horizon 2030 ?

Le rôle stratégique des ETI et territoires dans la décennie à venir

Si la relocalisation industrielle doit passer un cap dans les prochaines années, elle le fera par les territoires et par les ETI. Ces entreprises, à la fois ancrées localement et suffisamment solides pour investir, représentent la colonne vertébrale d’une relance réaliste et distribuée.

Les chiffres de Bpifrance le confirment : les ETI sont les principales actrices des créations de sites industriels sur le sol français en 2024. De plus, leur capacité à structurer des filières, à animer des écosystèmes régionaux et à mobiliser des compétences de proximité en fait des leviers puissants d’ancrage industriel.

Mais pour que leur rôle soit pleinement reconnu, il faudra que les politiques publiques cessent d’opposer innovation technologique et transformation industrielle traditionnelle, et qu’elles intègrent davantage les réalités des territoires dans la conception même des dispositifs d’aide.

Relocalisation + automatisation + décarbonation : vers une industrie 5.0 ?

Le futur de la relocalisation industrielle ne sera pas un simple retour en arrière. Il passera par une transformation du modèle de production. La combinaison entre automatisation, digitalisation, sobriété énergétique et relocalisation dessine les contours d’une industrie dite “5.0” — à la fois humaine, écologique et technologiquement avancée.

Cela implique :

  • Des investissements ciblés dans l’intelligence industrielle locale
  • Une montée en puissance des formations techniques et ingénierie de terrain
  • Une coopération étroite entre entreprises, collectivités et centres de recherche

Dans son plan stratégique 2025–2029, Bpifrance annonce d’ailleurs vouloir renforcer son action pour faire émerger ces “nouvelles industries”, en soutenant à la fois la transition écologique, la digitalisation, et le développement territorial.

La relocalisation industrielle pourrait ainsi devenir le vecteur d’une réinvention industrielle française, à la croisée des enjeux de souveraineté, d’innovation, d’emploi et de durabilité. Mais à une condition : qu’elle ne soit pas réduite à un effet de mode, ni captée par une minorité d’acteurs. Il faut désormais changer d’échelle.

Conclusion

En ce printemps 2025, la relocalisation industrielle en France n’est plus un simple slogan politique. Elle s’incarne dans des données tangibles, des sites réouverts, des ETI en mouvement, des startups engagées, et un discours économique qui a, enfin, intégré la notion de souveraineté.

Le chemin parcouru depuis 2020 est réel : les plans France Relance et France 2030 ont injecté des milliards, des filières critiques ont émergé ou repris vie, et l’opinion publique elle-même soutient largement l’idée de produire en France.

Mais la route est encore longue. La relocalisation ne pourra pas se limiter à des démonstrateurs technologiques, ni à une poignée de “champions” subventionnés. Elle doit devenir une politique industrielle globale, adaptée à la diversité du tissu économique français : grandes entreprises, certes, mais aussi ETI, PME, artisans industriels, coopératives, acteurs territoriaux.

Cela suppose de changer d’échelle, de logique et de méthode. De réinvestir dans la formation, l’ingénierie de proximité, les infrastructures locales. D’associer automatisation et emploi qualifié. De soutenir les industriels là où ils sont : dans les territoires, au plus près des besoins, bien loin des labos parisiens ou des PowerPoint ministériels.

Relocaliser, ce n’est pas revenir en arrière. C’est, au contraire, regarder loin devant, en refusant les dépendances absurdes et les modèles court-termistes. C’est miser sur l’intelligence collective, sur le lien entre économie et territoire, sur la capacité de l’industrie française à se réinventer.